mardi 24 avril 2007

Ruppert et Mulot



« C’est sur ce déséquilibre qu’on va essayer de trouver la chute ».

Mots clés : Ruppert, Mulot, décalage, expérimentation, humour

Punchline (tronquée) : « Itchy & Scratchy chez Wittgenstein ».

Ambition cachée : essayer de passer deux minutes pour un spécialiste de deux auteurs que je viens de découvrir (alors qu’ils publient depuis deux ans) aiguillé par un bandeau post-Angoulême («prix révélation »). C’est la honte.

Bon sang, je suis remué comme un puceau depuis que j’ai eu dans mes mains Panier de singe du binôme Florent Ruppert/Jérôme Mulot (apparemment, ils partagent toutes les responsabilités) qui reprend des récits en partie publiés chez Ferraille (alors en couleurs, des couleurs qui adoucissaient un peu les histoires).

Il est question ici de décalage, entre les personnages au visage neutre et la violence de la chute, entre les dialogues insignifiants (souvent copiés du réel) et la structure des pages. Ce monde absurde n’est pas détraqué, il fonctionne simplement selon une logique farceuse et morbide. Les gestes, analysés, perdent leur importance ; les mots semblent aussi se vider suite au clinique travail de sape opéré. J’ai l’impression qu’ils testent l’élasticité de ma sensibilité, ils tirent dessus, la relâchent soudainement pour ensuite la tendre . Le pire est que, souvent le rire ponctue la lecture, entre malaise et soulagement. Leurs albums sont un peu comme du punk froid à l’humour noir/ou potache, de la bande dessinée qui porte en elle sa déconstruction, jouant avec le langage et le mouvement. On pourrait dire que c’est la rencontre d’« Itchy & Scratchy » avec Wittgenstein – mais ça serait n’importe quoi. En tout cas, c'est dans la logique de l'Oubapo.
Ruppert et Mulot aussi font appel à des procédés visuels comme les phénakistiscopes ou les stéréoscopes – cette fascination se poursuit d’ailleurs sur le site http://www.succursale.org/ avec la version animée des phénakistiscopes et autres jolies trouvailles.

Dernière sortie en date : Gogo Club, toujours chez l’Association qui reprend le procédé de dédicace déjà montré dans l’Eprouvette numéro 1 («On recherche généralement des situations tendues , en tout cas en déséquilibre avec ce que l’on est en train de vivre avec la personne. Et c’est en fait sur ce déséquilibre qu’on va essayer de trouver la chute », expliquaient-ils alors à JC Menu). Avec eux, les lecteurs repartent les mains vides mais deviennent des personnages. Comme certains musiciens jouent du piano préparé, Ruppert et Mulot préparent les situations et les chutes, incorporent dans la page le dialogue avec la personne (réelle) qui se présente… La deuxième partie de Gogo Club va beaucoup plus loin mais je ne vais pas en raconter plus, c’est trop intelligent pour que je déflore.

Je vais me jetter sur le reste...

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Cool je ne l'avais pas encore vu celui ci. Je ne connais d'eux que ce qu'ils ont fait dans Ferraille (plutot trash dans mes souvenirs) et ce qui était montré dans l'éprouvette, qui n'a pas grand chose à voir tant dans la démarche que dans le résultat. Ils ont aussi fait un dessin pour Placid sur le blog touscochons.blogspot.com, qui sera certainement dans le bouquin qui découle de l'opération de sauvetage de Placid, qui devait paraitre le 12 mais qui est un peu à la bourre.

En tout cas ils font quelque chose de vraiment neuf je trouve. C'est super agréable et ça marche bien.